Cette ville est malade (version complète)

Publié le par HJ

Témoignage reçu sur ce blog

suite à un accident mortel à Blois

 

Quelle maladie ronge Blois ?

Samedi 6 janvier 2007, je suis à Blois. Cela fait une éternité que je ne suis venu. Voir la ville et m'y balader, voir ma famille et mes amis, m'y restaurer. Justement, mon histoire commence au moment du repas. Des crissements de pneus, des dérapages, des moteurs qui rugissent. Par la fenêtre, je vois passer deux voitures sur une place. Elles font la course. Il pourrait y avoir là un père et sa fille, la mienne et moi par exemple, qui traversent la zone piétonne et se font écraser par ces fous, ces imbéciles, ces assassins en puissance. Ils passent une première fois roulant à tombeaux ouverts, puis une seconde quelques minutes plus tard. Laissant derrière eux un nuage d'incompréhensions, une nuée de questions sur l'évolution d'une ZUP dont on ripoline la façade des immeubles et dont on vide l'arrière boutique en supprimant des queues de cerises sur un budget, comme celui du Chato'dO.

Mais qu'est devenue cette ville ?

 

 Je vais aller voir ses rues, m'y promener. Tiens, je note que l'ensemble des places de stationnement pour les personnes handicapées sont munies d'arceaux. C'est pourtant interdit depuis la loi de février 2005 en faveur des personnes handicapées. Si les responsables municipaux ne respectent pas la loi, je m'étonne moins que les meurtriers en puissance de ce midi ne se gênent pas pour faire leurs courses de voitures en plein jour et en plein quartier surpeuplé.

La ville est animée, il y a du monde sur les routes et sur les trottoirs. Beaucoup de monde. Tiens ? Des klaxons ! Un mariage dans la plus pure tradition ? Non. Des inconscients encore. Des jeunes assis sur les portières qui chantent, dansent, s'excitent. Il pleut. La chaussée est glissante. Je verrais ce cortège encore deux ou trois fois dans les rues. Toujours les jeunes assis sur les portières, le corps dangereusement penché à l'extérieur. Je prie pour qu'aucun ne tombe car il n'aurait pas beaucoup de chances de s'en sortir dans cette circulation. La balade sous la pluie est finie.

 Dans la voiture, au sec, je repars. Quelques mètres plus loin, la voiture qui me précède est à l'arrêt. Je suis au carrefour devant la poste en ville. Pas loin des arrêts de bus. La voiture qui est encore devant a une position étrange. Elle a roulé sur quelque chose qui s'est enroulée autour de son essieu arrière. D'ailleurs la roue gauche est surélevée. J'ai d'abord cru à un arbre. Sans doute un sapin de Noël puisqu'il y a des couleurs. Quelle idée ... L'arbre bouge mais mon cerveau refuse cette information. Il y a une chaussure par terre. L'arbre est humain. Une vie qui vient d'être fauchée. Je sors de la voiture. Je m'approche. Je demande à un homme qui téléphone s'il a appelé les secours. Silence, pas de réponse. Je demande à la femme qui est là à côté. Elle me répond « Putain, j'ai tout vu. Il lui a roulé dessus, il lui a roulé dessus ». Moi, je n'ai pas de téléphone. Il y a un bus. Un espoir. Je coure. La femme qui conduit le bus m'ouvre la porte. Oui, elle a accès aux secours par radio. Je voudrais retourner vers la personne qui bouge encore. Je crois que c'est un bras. Je ne suis pas sur. On dirait un chiffon humain. Les secours sont appelés et moi, je ne sers à rien. Je suis impuissant. Alors, je repars et je m'interdis de regarder encore. Je ne veux pas comprendre ce qu'il y a sous cette roue. C'est resté pendant des jours dans ma tête. Et puis j'ai lu sur le journal. C'était une femme, écrasée par une voiture dont l'état interdisait qu'elle circule. La femme est décédée et on ne sait pas qui elle était. Cette ville est malade.

 

A été soulignée, la partie coupée par la presse locale.

Publié dans bougezautrementablois4

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